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Temps partiel

Prouver un temps partiel, c’est possible même sans les mentions requises dans le contrat

C’est aujourd’hui une jurisprudence bien établie : l’absence dans le contrat de travail des mentions relatives à la durée du travail à temps partiel et à sa répartition laisse présumer un temps complet, mais l’employeur peut écarter cette présomption en apportant aux juges les preuves du temps partiel. Une affaire tranchée par la Cour de cassation le 18 décembre 2019 apporte une intéressante illustration de ce principe jurisprudentiel.

Le contrat à temps partiel : un contrat écrit avec des mentions obligatoires

Le contrat de travail à temps partiel doit être écrit et comporter les mentions prescrites par le code du travail (c. trav. art. L. 3123-6). Parmi les mentions obligatoires, figurent celles relatives à la durée du travail à temps partiel, à savoir notamment :

-la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ;

-et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, sauf exceptions.

Depuis longtemps et de façon constante, la Cour de cassation considère que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il s’agit d’une présomption simple, en d’autres termes, que l’employeur peut renverser.

Si le salarié saisit les juges pour faire requalifier un contrat ne comportant pas ces mentions en un temps complet, il n’a donc pas à prouver qu’il travaillait à temps complet.

C’est à l’employeur, qui conteste la présomption de temps complet, de rapporter la preuve du temps partiel. Pour ce faire, il doit réussir à prouver (cass. soc. 15 octobre 2002, n° 01-46240, BC V n° 311 ; cass. soc. 11 mai 2016, n° 14-17496, BC V n° 100) :

-la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue ;

-mais aussi que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’entreprise.

Dans une affaire tranchée par la Cour de cassation le 18 décembre 2019, l’employeur a réussi à apporter cette « double » preuve.

Une nouvelle illustration : l’employeur prouve le temps partiel grâce à des témoignages, des mails et des plannings

À l’occasion de son départ à la retraite, une salariée engagée comme pharmacienne adjointe puis comme pharmacienne a saisi les juges pour faire requalifier son contrat de travail en un contrat à temps plein et le rappel de salaire correspondant.

Son contrat ne mentionnait ni la durée du travail ni sa répartition, mais elle n’a pas obtenu gain de cause : la cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a rejeté ses demandes.

L’employeur a d’abord réussi à prouver la durée exacte de travail (86,67 h/mois), notamment grâce aux relevés de décompte du temps de travail établis par la salariée elle-même. En outre, cette durée était confirmée par les bulletins de paie.

L’employeur a aussi apporté la preuve que la salariée n’avait pas à se tenir en permanence à sa disposition du fait d’une organisation du travail d’une grande souplesse, tenant compte de ses impératifs familiaux. Et ce, grâce à des attestations de collègues de la salariée, mais aussi à la production de ses échanges de mails avec la salariée et des plannings de travail.

Il résultait notamment de ces attestations que l’employeur et la salariée avaient convenu qu’elle travaillerait « principalement » le lundi et le mercredi matin. Par exemple, une attestation visait « 2 à 3 matinées par semaine ». Une autre indiquait que la salariée travaillait « quelques matinées par semaine, assez régulièrement le lundi matin et quelquefois le mercredi et le samedi ».

La salariée considérait que, faute de plus de précision, ces attestations ne pouvaient pas établir qu’elle savait qu’elle travaillait principalement le lundi et le mercredi. En d’autres termes, elle aurait ignoré la répartition exacte de son temps de travail, ce qui l’aurait conduite à se tenir en permanence à la disposition de son employeur. Mais c’était sans compter sur les échanges de mails et les plannings produits par l’employeur, desquels il ressortait que la répartition du travail était faite en fonction des disponibilités de la salariée en raison de ses problèmes personnels.

Il faut, à notre sens, retenir de cette affaire que même si l’employeur ne parvient pas à prouver que le salarié travaille des jours fixes de la semaine, il peut échapper à la requalification en temps complet si, par ailleurs, il réussit à prouver que la souplesse de la répartition du travail résultait d’un commun accord avec le salarié.

Cass. soc. 18 décembre 2019, n° 18-12643 D